Dessine-moi un mouton psychotique (Ingvar)

Je ne parle pas de moi, du moins pas souvent. Pas par pudeur, seulement par manque d'habitude car je suis celui qui écoute, celui qui lit, celui qui voit. De quelle manière voudriez-vous que je parle de moi ? Les yeux pathétiques, des sanglots dans la voix, comme ceux qui me payent pour sonder leurs âmes ? Non, vous préférez que je le fasse à ma manière, ça va de soi.

Je vais le faire sans trop me révéler. Celui qui avance masqué n'a plus de faiblesses. Connaître mon enfance n'apportera rien. Sans vague, comme irréelle, trop lisse, peut-être trop belle, dans tout les cas elle ne captive pas. Ce qui est important c'est que j'ai toujours su voir, apprécié les contrastes,
lu les espoirs et les peurs des autres. J'ai toujours su mener le monde à la baguette, comme un chef d'orchestre, dans l'ombre, comme un metteur en scène.

Le contrôle, principale force et faiblesse chez moi car sans lui tombe le masque et le rideau se ferme. Fini le psy souriant, calme, lisse comme son enfance. Pourtant c'est dans ces moments là que la vie est amusante. Vous n'en saurez pas plus.

Pour vous je resterai monsieur Lund, celui qui écoute et jamais ne se livre. Celui qui a peu d'amis, ou du moins plus en vie. Dont le cœur bat plus vite quand une brune lui sourit. Qui aime la musique et... Ce sera assez pour aujourd'hui.

Le rêve, tellement révélateur des abysses humaines, utile outil du psychiatre. Le rêve, comme une trêve à la vie, un hymne à la joie quand vient le soir. Mais là, tout est différent. Tout est inversé. Le contrôle se fait plus compliqué mais je dois le conserver.

Dans ces rêves, je ne suis plus celui qui écoute, mais je suis toujours celui qui observe. Remarque le moindre détail, car aucun n'est inutile, je suis cet artiste de génie qu'on appelle faussaire. L'imagination est vaste, peut-être trop, peut nous jouer des tours. La copie parfaite est plus sûre, plus dure, plus à la hauteur du maître.

Dans ces rêves, oublions les costumes, l'habit cérémonieux agréable aux yeux.
Ce qui recouvre ma peau n'est que tissu poussiéreux. Oublions les arbres qui entourent ma demeure. Préférons la ruelle sombre qui inspire la peur.

Dans ces rêves, je n'ai plus de masque, les faiblesses sont là, elles me narguent. La seule chose qui ne change pas c'est cette brune dans la brume. Je l’abîme, je la brûle et l'aime encore plus.

Dans ces rêves, j'aurais besoin d'un psychiatre.